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préface / ohrid (extraits) - Katia Roessel

mercredi 19 août 2015

préface / ohrid

(extraits)

à quel dessein puis-je concerner ce pays
envahi de cadavres carbonisés, une victime
complaisante parmi des disparus de toutes
les guerres, alors que nous fîmes halte sur
une plate-forme en marbre noir veiné
de jaune d’or ?

tant d’efforts dans les pays de l’est et de l’ouest et
du nord, tant de moiteur suffocante, de carrières
exploitées, d’obits écrasants tant que l’amitié n’y sera,
combien de passages sarmenteux,
combien de palmiers arrosés de feu,
tristes et muets, et abruptes par ce néon diffus :
un vert fichu, nouvellement trouvé, d’une légèreté
céleste, et si absurde, se dispose en lames analogues
alors que deux personnes censées se dire au revoir
s’embrassent, intimement liées, et encore, ne pouvant
plus se détacher l’une de l’autre, le clocher solitaire
s’élève dans la vallée, portant ces rutilantes couleurs,
bien trop grave ; des flashs vibrants et réprimés
sur l’abîme ouvert, tels ce brouillard rouge qui
s’épaissit, terminé par des forêts ignorées
– on a hésité d’y aller et tu as voulu que l’on
aille ailleurs. j’ai pris pleine possession de moi –
j’allais faire mes devoirs, restant forte et saine.

prisme du chaos interne, dans
le basculement du temps, captivé et
enivré par la terreur du châtiment,
ne nous entraîne dans la descente où
les étangs sont si lourds et si sombres,
ne nous empêche l’odeur du musc,
du baume dans la matinée, l’odeur
de la verveine et de la sauge ;
agisse ou soit prodigue là où quelque
chose d’émotionnellement généreux
et d’extrême violent peut vivre.

ce vortex par le mal dithyrambique.
1920 : quelques-uns se tiennent près du bord
de l’eau, exerçant quelques arts martiaux,
s’amputant la tête diamantée.

au sud le patio était accueillant. il consolidait
la cour qui se fermait, comme la ville. son intérieur
marial permet dorénavant de se cogner aux rythmes
martiaux, partout, dans l’entassement désordonné
de blocs. sa jeunesse prend tournure aux abords
complètement détruits, elle continue et continuera
encore, imputrescible, se reposant sur un excès
d’ambition.

que sont bons les visages imprimés
de part et d’autre, dans le rocher,
faux et récalcitrant, au déferlement
du crime célébré.

de noires colonnes de fumée souillaient
le ciel. le sang, hors de l’heure,
dans un ricochet muet, le sang
parti pour ne plus s’arrêter.

il était bien tôt pour que je revoie ce pan
de famille refluant en purgatoire ; deux
enfants dorment maintenant dans le jardin
qui nous était resté quelques années.

et encore, l’énergie mutuelle, l’improbable,
le variable, tout à moi, produit de part et
d’autre lorsque nous couvrons les distances
vers lesquelles on allait résister dans le futur
et dans lesquelles on avait résisté – Dieu, s’il
existe, me suit. je ne le suis pas.

j’ai attendu des étés d’en face, sur les quais d’alors,
sur les remblais antidatés et sous la coupole, j’ai attendu
dans un état d’extase permanente, sur tous les gravats,
fut étale une placidité incroyable : des femmes en
mouvement, dont les pulsions de mort sont fortes
et palpables montaient dans des voitures,
belliqueuses comme des vulgaires délinquantes.

Katia Roessel

Passage d’encres III - n° 5 - 3e trimestre 2015.