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Français-anglais > globish 

lundi 20 mars 2017

© Glen Baxter. En route from England to France, in Le Monde de Glen Baxter, éd. Hoebeke, 2009. Dessin paru dans les nos. 36-37 de Passage d’encres, « Pourquoi le français » (mars 2009).

FRANÇAIS-ANGLAIS-GLOBISH

V. aussi Globish, dico.

20 mars 2017
Semaine de la francophonie – une seule semaine par an.
Des slogans ou des titres de presse en anglais ou en français et anglais de plus en plus nombreux et pas toujours à bon escient : « France is in the air », « One nation Paris Outlet », « Les it-pièces de la saison », « Smart cities, les prix de l’innovation », « La toute-puissance du e-commerce » (pourquoi ce « du », e n’étant pas aspiré ?) « Peau en burn-out » (pour « peau fatiguée » tout simplement), « Les civic tech » (pourquoi ce pluriel ?), etc.
Plus on sature le français de mots anglais, et plus les ouvrages sur le français et les cours de français en ligne prolifèrent comme avec une espèce de nostalgie, des fois qu’on finirait par l’oublier. Et le clivage entre ceux qui s’expriment ou écrivent « bien » et les autres se renforce, augmentant les inégalités (recherche d’emploi et autres). Il n’est que de lire les commentaires en ligne.

Février 2017
Le slogan de la campagne de Paris pour les JO 2024 – « Made for sharing » (Faite pour le partage, variante officielle : « Venez partagez ») – est symptomatique du complexe développé par de plus en plus de Français par rapport à l’anglais et a choqué nombre d’internautes, le français étant, avec l’anglais, rappelons-le, la langue officielle des Jeux olympiques. « Il faut assumer de s’adresser en anglais », a-t-on même lu ici et là.

Toujours plus donc : depuis la « silver économie » – pourquoi ce -ie  ? tant qu’à faire autant mettre tout en anglais –, le -ics, suffixe désignant une discipline, etc. (economics), qui passe au pluriel tandis que les big data s’emploient désormais au singulier, jusqu’au charabia des commerciaux et autres – « outlet, « It pièces de la saison » (La Redoute), « Les 30 citations feel good pour se booster au travail », le « Street style », le DIY (Do It Yourself) de Elle,
sans parler du matraquage généralisé dans la presse papier et en ligne.

Même certains défenseurs inconditionnels des emprunts anglais (nous ne sommes pas contre les emprunts) commencent à nuancer leurs propos, parlant même de « démission » ou de « soumission ». Parallèlement, les Anglo-Saxons continuent de s’amuser de cette anglomanie des Français.

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Novembre 2016
Considérant que « le français est une langue d’expression mondiale » (France Inter, « Une semaine en France », émission de Claire Servajean du 28/10/2016), Alain Rey, linguiste et lexicographe auteur, entre autres, de la nouvelle édition augmentée du Dictionnaire historique historique de la langue française, qualifie de « puristes » ceux qui s’alarment du nombre de plus en plus important de mots anglo-américains en français. Il qualifie ces emprunts de « californismes » et remarque que le français a toujours emprunté aux autres langues et que ce n’est d’ailleurs pas la seule langue à emprunter à l’anglo-américain. Tout cela est vrai, sauf que, à force d’absorber, on risque le gavage...

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Avant
Qui aime bien châtie bien. Quoique anglophile, nous parlons ici de l’anglicisation à marche non forcée qui a lieu depuis plusieurs années en France, en particulier dans les médias : à la radio (par ex. le récent « Russian bashing » d’un invité dans « La Marche de l’histoire » de France Inter) ou dans la presse – Challenges, Le Monde, auxquels nous sommes abonnée, Libération, etc.

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De plus en plus de franglais (et non de Frenglish, qui signifie le contraire, ou de Franglish, déjà capté par une société), donc, avec des traductions inexistantes ou en corps 5 ou 6 pour les expressions ou mots non courants.
Le globish ou pidgin planétaire envahit tout, jusqu’aux T-shirts ou enseignes et devantures de magasins. Nous avons même vu une enseigne Chwett pas très loin d’ici.
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Dorénavant, le daim se dira suède, comme vu récemment dans l’annonce chic et chère d’un célèbre magazine culturel attrape-pub [mais tous les magazines le sont], et « la honte est sur eux », comme lu dans un journal cet été.
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On avait d’abord eu un peu l’impression de ramer à contre-courant en disant qu’une grande partie des mots anglais non usuels pouvaient être traduits, mais on constate actuellement de plus en plus de réactions dans ce sens.
D’un côté il y a, bien sûr, ceux qui ne voient pas de problèmes à la déferlante anglo-américaine ou ceux qui prônent une anglicisation encore plus grande du français, tel l’écrivain et journaliste Frédéric Martel (« Français, pour exister parler English », Le Point, 08/07/2010). De l’autre, il y a ceux qui constatent, s’étonnent, se résignent, ou au pis s’alarment, comme Claude Hagège, qui parle de « domination économique » (américaine) et de « langue globale, pensée unique ».

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Un peu avant
Un jour, sur France Inter, pendant « Le Téléphone sonne » (excellente émission par ailleurs), vlan, voici du « fonctionnaire(s) bashing » lancé, et répété au cas où on ne l’aurait pas entendu, par l’une des invitées. Dénigrement, critique systématique existent pourtant, mais ils sont évidemment plus longs, et le temps manquait apparemment.

Sinaï, aïe... On nous balance du hashtag à tout va. Si l’on a déjà mentionné Twitter, dièse ou mot-clé devrait suffire si on ne veut pas utiliser le préconisé et peu usité mot-dièse... Sur toutes les ondes on entend parler de « Sinaille » [sinaj] (à l’anglaise) pour Sinaï (tréma, [sinai]). À quand laillque (comme like) pour laïc/laïque, « L’Haille-les-Roses pour L’Haÿ-les-Roses... ?

Christiane Tricoit

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La première édition du Parlez-vous franglais ? d’Etiemble est parue en 1964 (Gallimard, coll. Idées, Folio 22).

Liens
. Langue sauce piquante (Olivier Houdart et Martine Rousseau)
. Article de Micha Cziffra « [ Français et anglicismes : quand le français se met à parler anglais... » sur Slate, avec un entretien de Claude Hagège, linguiste polyglotte et professeur au Collège de France, interrogé par Christine Ockrent, qui n’est pas inquiet pour le français mais qui est tout de même assez critique.